Les droits de l’homme sous l’influence de nouvelles réalités
La démocratie, l’état de droit et les droits de l’homme sont sous pression en Europe également, un phénomène que la Cour européenne des droits de l’homme s’emploie à contrer. Conformément à sa nouvelle stratégie, elle s’adapte à de nouvelles réalités, telles que celles engendrées par la numérisation ou le COVID-19. Le DFAE soutient financièrement cette réorientation à hauteur de 250 000 francs, afin d’accélérer le traitement des procédure en cours.
La numérisation et le COVID-19 placent la Cour européenne des droits de l’homme face à de nouvelles questions qui nécessitent un développement de sa jurisprudence. © Keystone
L’obligation de vaccination contre le COVID-19 pour certains groupes professionnels, les recours contre l’octroi de licences d’extraction de pétrole ou la légalité des restrictions d’accès à des sites Internet sont autant de terrains vierges pour la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) de Strasbourg. Ces sujets soulèvent de nouvelles questions et nécessitent un développement de sa jurisprudence. S’appuyant sur sa nouvelle stratégie en matière de gestion de cas, la Cour EDH accorde la priorité aux causes les plus importantes et les plus urgentes et s’adapte ainsi aux nouvelles réalités comme celles générées par la numérisation, le COVID-19 ou les questions environnementales.
Obligation de vaccination contre le COVID-19
Licences d’extraction de pétrole (en)
Restrictions d’accès à des sites Internet
Un modèle efficace
Le modèle de la Cour EDH est un bon exemple de multilatéralisme efficace. Recevant plus de 50'000 requêtes par année, la cour a pour mission de surveiller le respect de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Celle-ci garantit aux personnes vivant sur notre continent notamment le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à la libre opinion et interdit toute forme de torture et de discrimination. Toute personne dont les droits de l’homme sont violés par un État partie à la convention peut saisir la Cour EDH, dont les arrêts ont force obligatoire. La Cour EDH joue donc un rôle sans pareil dans le maintien de l’état de droit et la défense des droits de l’homme. Elle protège les individus contre l’arbitraire étatique et le non-respect de la séparation des pouvoirs.
Victime de son succès
La Cour EDH est victime de son succès. En 2010, le flux continu des requêtes avait fini par créer un véritable embouteillage. Sous la présidence de la Suisse, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe avait alors lancé, à Interlaken, un vaste processus de réforme. De plus, les États membres du Conseil de l’Europe ont créé en 2012 le «compte spécial de Brighton», qui permet de soutenir financièrement la cour. Grâce à ces initiatives, le nombre d’affaires pendantes a pu être ramené de 160'000 à 62'000 en 2020.
Une Cour EDH forte est dans l’intérêt de la Suisse
Afin d’aider la Cour EDH à réduire encore le nombre d’affaires pendantes et à répondre rapidement à de nouvelles questions de première importance, la division Paix et droits de l’homme (DPDH) du DFAE a effectué un versement unique de 250 000 francs sur le «compte spécial de Brighton». Le DFAE contribue ainsi à maintenir la capacité d’action des institutions des droits de l’homme. Ce soutien doit servir en particulier à développer la jurisprudence en lien avec les nouvelles réalités de notre époque.
Conformément à la Constitution fédérale et à la stratégie de politique extérieure 2020-2023, la Suisse œuvre en faveur de la protection universelle des droits de l’homme. Les lignes directrices sur les droits de l’homme 2021-2024, qui précisent la stratégie, prévoient notamment que la Suisse coopère avec des acteurs qui s’engagent en faveur de ces droits. Contribuer au renforcement de la Cour EDH en tant qu’instance de recours internationale jouant un rôle central dans la protection des droits de l’homme relève de cette coopération.
La Suisse tient ses engagements
La Suisse est entrée au Conseil de l’Europe en 1963 et a ratifié la CEDH en 1974, sitôt après son approbation par l’Assemblée fédérale. Ses citoyennes et ses citoyens ont depuis lors accès à la Cour EDH et le nombre de requêtes introduites contre la Suisse à ce jour s’élève à plus de 8000. La plupart ont cependant été déclarées irrecevables par la Cour EDH, qui n’a rendu un arrêt que dans 206 affaires, constatant une violation de la CEDH dans 59% d’entre elles. Ce ratio témoigne du bon fonctionnement de l’état de droit en Suisse: en moyenne générale, la Cour EDH constate au moins une violation des droits de l’homme dans 84% des requêtes recevables.
Les arrêts de la cour produisent leurs effets
La CEDH et les arrêts de la Cour EDH ont des répercussions concrètes sur le système juridique et sur la protection des droits de l’homme en Suisse. Par exemple, la fondation Fonds d’indemnisation pour les victimes de l’amiante, qui promeut l’égalité de traitement des personnes concernées sur le plan financier, a été créée en 2017 à la suite d’un arrêt sur l’indemnisation des victimes de l’amiante, alors que le délai de prescription était déjà expiré. Le délai de prescription a en outre été porté à 20 ans pour les cas dans lesquels les conséquences d’un événement dommageable ne se manifestent que longtemps après qu’il s’est produit. Un autre exemple de l’adaptation du droit suisse aux exigences de la CEDH est la révision du droit du nom entrée en vigueur en 2013. Cette révision a mis les femmes et les hommes sur un pied d’égalité dans ce domaine, après qu’un arrêt de 2010 avait jugé l’ancien droit discriminatoire.
Arrêt sur l’indemnisation des victimes de l’amiante
La CEDH constitue l’un des fondements du système politique suisse, qui est caractérisé par la démocratie et l’état de droit. Les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution fédérale de 1999 s’inspirent de ceux définis dans cette convention. Ils garantissent aux Suissesses et aux Suisses une protection des droits de l’homme efficace, encore renforcée par la Cour EDH.