«Lugano – Locarno en moins de 30 minutes, c’est comme le métro»
Dans l’entretien accordé à la Radio télévision suisse allemande (SRF), le conseiller fédéral Ignazio Cassis se réjouit de l’ouverture du tunnel de base du Ceneri. Le conseiller fédéral tessinois souligne l’importance de ce chantier du siècle pour son canton d’origine et pour la Suisse, et explique comment la Suisse entend continuer de jouer un rôle fort en Europe et dans le monde.
Dans son entretien avec la SRF, le conseiller fédéral Ignazio Cassis souligne l’importance du tunnel de base du Ceneri pour son canton d’origine. © DFAE
«La joie règne à nouveau!» s’exclame Ignazio Cassis, en reprenant la célèbre formule utilisée par l’ancien conseiller fédéral Adolf Ogi il y a une trentaine d’années. L’inauguration du tunnel de base du Ceneri ne représente pas seulement un jour historique pour la Suisse, en marquant l’aboutissement du projet du siècle de la NLFA, mais elle revêt aussi une valeur hautement symbolique pour le canton du Tessin.
«Le tunnel de base du Ceneri est extrêmement important pour le Tessin. Il ouvre de nouvelles perspectives, en termes de développement économique, de marché du travail et d’échanges interculturels. De plus, le tunnel de base du Ceneri facilitera les relations interpersonnelles dans toute la Suisse», a affirmé le conseiller fédéral Cassis.
Effets tangibles sur le pôle économique et le marché de l’emploi du Tessin
Lugano – Zurich en deux heures: une prouesse encore impensable lorsque Ignazio Cassis faisait ses études à Zurich. «Je devais m’y rendre en voiture par le col du Gotthard et le trajet me prenait plus de quatre heures». Les possibilités que nous offre la NLFA constituent un formidable bond en avant pour la mobilité de notre pays». Mais le tunnel de base du Ceneri permet aussi un rapprochement entre les différentes régions du Tessin. «Se rendre de Lugano à Locarno en moins de 30 minutes, c’est comme voyager en métro ou prendre le tram pour se déplacer en ville. C’est extraordinaire!».
La mise en service du tunnel de base du Ceneri rapprochera également considérablement les villes tessinoises de Bellinzone, Lugano et Locarno, ce qui, à moyen terme, stimulera fortement le développement économique et social de toute la région. «Le tunnel de base du Ceneri permettra de se déplacer rapidement d’une ville à l’autre. Il aura donc un impact majeur sur la mobilité de la population et, partant, sur le marché du travail. Le tissu économique se développe sur des sites qui offrent des perspectives avantageuses. Les professionnels qualifiés constituent l’épine dorsale de l’économie», déclare le conseiller fédéral Cassis.
La liberté de dire «non» fait partie de l’identité suisse
La prospérité de l’économie dépend également de la stabilité politique et de l’existence de règles claires. L’Union européenne est un partenaire économique de premier plan pour la Suisse. Lors de son entretien avec la SRF, le conseiller fédéral Ignazio Cassis a insisté sur la nécessité de disposer d’une vision claire concernant la poursuite de nos relations avec l’UE après la votation du 27 septembre 2020 sur l’initiative de limitation.
«Pour pouvoir clarifier notre future relation avec l’UE et définir le rôle de la Suisse en Europe, le peuple doit d’abord rejeter l’initiative populaire «Pour une immigration modérée» le 27 septembre prochain. Si le peuple acceptait ce texte, nous serions confrontés à une grande incertitude dans les échanges avec nos pays voisins et l’UE, ce qui aurait des répercussions directes sur la prospérité et l’indépendance de la Suisse. «Bien sûr, les discussions avec l’UE peuvent toujours être mal interprétées et être perçues comme une perte de liberté. Mais cette liberté, nous la perdrions de toute manière si nous renoncions à la possibilité de dire non», a signalé Ignazio Cassis.
Au niveau géopolitique, la Suisse ne serait pas malheureuse de se retrouver au chômage
Les discussions ouvertes et franches constituent le terreau le plus fertile pour développer de bonnes relations économiques, politiques et sociales; et cela ne vaut pas seulement pour l’Europe. Immédiatement après l’inauguration du tunnel de base du Ceneri, le conseiller fédéral Cassis se rendra en Iran en sa qualité de ministre des affaires étrangères. Cette visite a notamment pour objet la célébration du 100e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays, ainsi que le mandat de puissance protectrice que la Suisse assume pour les États-Unis et le Canada en Iran.
Le mandat de puissance protectrice est un exemple des bons offices pratiqués par la Suisse qui ne se résume pas à un rôle de facteur entre deux États en conflit. «Cela dit, il ne faut pas sous-estimer la tâche classique du facteur: certaines lettres sont très importantes et il est essentiel, aussi bien pour l’expéditeur que pour le destinataire, qu’elles soient acheminées de manière sûre du point A au point B», souligne le conseiller fédéral Cassis.
Les bons offices sont loin d’être une nouveauté pour la Suisse. Ils sont l’expression même de son soft power, qui lui permet de jouer un rôle important dans l’arène politique internationale, même si le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) ne cache pas qu’il préférerait que ces services soient moins sollicités. «Malheureusement, le nombre des demandes de bons offices est de nouveau à la hausse. Je dis «malheureusement» parce que dans un monde idéal, nous devrions nous retrouver au chômage».
Aborder les questions délicates plutôt que refuser le dialogue
Dans le monde fragmenté qui est le nôtre, la Suisse ne risque pas de se retrouver de sitôt au chômage dans son rôle de médiatrice. Il est donc d’autant plus important d’entretenir des échanges ouverts, même sur les questions controversées. «Si vous assumez le rôle de médiateur, c’est parce que les deux parties le souhaitent et qu’elles sont par conséquent disposées à aborder les sujets difficiles. Après tout, il nous arrive aussi de parler de sujets délicats entre amis», relève le conseiller fédéral Cassis. Bien sûr, il faut de la patience et de la persévérance.
«Il serait illusoire de croire que la Suisse est si puissante qu’elle peut dicter sa loi aux autres pays. Le maître mot, dans les négociations, c’est la persévérance. Nous ne sommes d’ailleurs pas seuls: les organisations multilatérales apportent elles aussi leur soutien. Et d’ailleurs, quelle serait l’alternative? Refuser le dialogue? Ne pas leur parler? Qu’obtiendrions-nous alors? Encore moins, c’est sûr».
La Suisse privilégie par conséquent le dialogue et la proximité à l’isolement et à la distance: cela vaut aussi bien pour Locarno et Lugano que pour la Suisse dans ses relations avec l’UE et le reste du monde.