Rencontre avec Nour Ghalia Abassi, fondatrice tunisienne de la startup zurichoise DigeHealth et sélectionnée par le "30 under 30" de Forbes Suisse

Article, 26.02.2025

Nour Ghalia Abassi est cofondatrice et CEO de DigeHealth, une startup basée à Zurich dont le but est de fournir des solutions innovantes pour détecter les complications post-chirurgicales. Une approche inédite qui lui vaut d’être sélectionnée fin 2024 par la version suisse du prestigieux magazine américain Forbes pour intégrer sa liste 30 under 30. Rencontre avec la jeune Tunisienne qui partage son expérience à l’EPFL, ses passions ou encore sa sélection par Forbes. 

Portrait de Nour Ghalia Abassi
Portrait de Nour Ghalia Abassi © Forbes

Née à Tunis, Nour Ghalia Abassi a étudié au lycée français Pierre Mendès France à Tunis avant d’aller à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) pour y faire ses études supérieures et obtenir un Bachelor en Systèmes de Communication puis un Master en Data Science. La manufacture Suisse de montres Rolex l’a par la suite acceptée en stage pour effectuer son projet de master. Elle a travaillé trois ans dans l’entreprise, puis a enchaîné avec une expérience chez Evoleen. En 2023, Nour a cofondé DigeHealth, une entreprise qui se concentre sur la transformation numérique dans le domaine de la santé. 

Comment a été votre expérience d’étudiante à l’EPFL ?

L’EPFL a marqué mon parcours par son exigence et son environnement stimulant. Jeune bachelière parmi les dix Tunisiens comme moi venus étudier à l’EPFL, j’ai dû rapidement m’adapter et me dépasser dans un cadre rigoureux où la discipline est essentielle.

Ce qui m’a le plus marquée, c’est l’accessibilité des enseignants : une simple porte frappée ouvrait la voie à des discussions enrichissantes. Cette proximité a été déterminante dans mon apprentissage.

Au-delà des études, l’EPFL est un écosystème d’innovation où l’entraide et la collaboration sont essentielles. Son réseau dynamique et sa culture d’échange en font un lieu d’apprentissage unique, offrant des opportunités exceptionnelles

Vous avez passé trois ans chez Rolex. Que tirez-vous de cette expérience ?

Lors de vacances à Madrid, j’ai reçu un email du centre de formation de l’EPFL annonçant que Rolex organisait des entretiens spontanés cette semaine-là. Déterminée, j’ai passé deux jours enfermée en bibliothèque à rédiger ma toute première lettre de motivation pour un stage. À ma grande satisfaction, j’ai été retenue. Ce qui devait être une simple expérience s’est finalement transformée en une aventure de trois ans.

Chez Rolex, j’ai découvert bien plus qu’un univers d’excellence, d’innovation et de rigueur. J’y ai appris la précision à son plus haut niveau, mais aussi l’importance du facteur humain dans un environnement où chaque détail compte. Cette immersion dans un monde où l’exigence est une norme m’a profondément marquée et continue d’influencer mon approche du travail et de la performance.

Nour Nour tenant son diplôme de Master en Data Science de l'EPFL
Nour Nour tenant son diplôme de Master en Data Science de l'EPFL © EPFL

Par quoi êtes-vous passionnée dans la vie ?

Les sports de raquette occupent une place essentielle dans ma vie, en particulier le tennis, où le mental joue un rôle clé. Chaque match est une opportunité de repousser mes limites, de m’adapter et de trouver des solutions sous pression. J’aime cette idée d’utiliser le sport comme un entraînement mental, me préparant à relever des défis, sur le court comme dans la vie.

Au-delà du sport, je suis passionnée par l’innovation et son impact concret. J’aime voir comment la technologie transforme des secteurs et répond à des besoins réels. Pendant la crise du COVID-19, j’ai cofondé Mabaadhna, une plateforme digitalisant le SAMU tunisien. J’ai également coprésidé AMLD Africa, un événement visant à démocratiser l’accès à l’IA sur le continent, et fait partie de l’équipe Web4Innovation de l’association Tunes durant mes études.

Enfin, la santé est un domaine qui me tient particulièrement à cœur. C’est dans cet esprit que j’ai lancé DigeHealth, avec l’ambition de révolutionner le suivi des patients et la prise en charge des troubles digestifs grâce à la technologie.

Selon vous, pourquoi l’innovation fait-elle partie intégrante de la Suisse ?

La Suisse est le pays qui innove le plus au monde, se classant régulièrement en tête du Global Innovation Index. Cette position de leader repose sur un écosystème d’innovation exceptionnel, structuré autour de centres clés comme l’EPFL à Lausanne, l’ETH Zurich, le Wyss Center à Genève et le CERN. Ces institutions jouent un rôle majeur en matière de recherche et de transfert technologique. Par ailleurs, la forte collaboration entre startups, entreprises et universités, un cadre réglementaire stable, et une culture de la précision et de l’excellence stimulent l’innovation dans des secteurs de pointe comme la medtech, la pharma, la robotique et la microtechnique.

Quelle a été votre réaction en apprenant que vous étiez sur la liste 30 Under 30 Suisse ?

En tant que Tunisienne, c’est une immense fierté et une reconnaissance qui me touche profondément. Au-delà de la satisfaction personnelle, c’est aussi une responsabilité et une motivation supplémentaire pour continuer à innover et créer un impact concret.

Nour a coprésidé AMLD Africa
Nour a coprésidé AMLD Africa © AMLD Africa

Qu’est-ce qui vous a poussée à cofonder votre startup DigeHealth ?

Voir combien de personnes souffrent de maladies gastro-intestinales chroniques sans solutions adaptées a été un véritable déclencheur. Dans mon entourage, j’ai observé l’impact quotidien de ces troubles et le manque de suivi objectif.

Chez DigeHealth, notre mission est claire : “Helping you better listen to your gut.” En exploitant les sons intestinaux, nous détectons les complications post-chirurgicales et apportons une approche plus précise et personnalisée à la médecine digestive.

L’un de mes moteurs dans cette aventure est d’intégrer davantage la science des données en médecine pour mieux comprendre ce qui se passe dans notre corps et améliorer la prise en charge des patients.

Selon vous, quel est l’avenir de l’innovation en Suisse et en Tunisie ?

La Suisse est un véritable pôle d’innovation, soutenu par un écosystème de recherche et de formation d’excellence. Cependant, j’aimerais y voir une prise de risque plus marquée pour accélérer l’émergence de technologies de rupture.

La Tunisie, quant à elle, a tout le potentiel pour devenir la Suisse de l’Afrique. Avec des talents brillants et un savoir-faire reconnu, le pays peut s’imposer comme un hub d’innovation. En renforçant son soutien à l’entrepreneuriat et à la recherche appliquée, il peut jouer un rôle clé dans la transformation technologique de la région.

En quoi la Tunisie pourrait enrichir la Suisse et vice-versa ?

Les deux pays ont tout à gagner d’une collaboration renforcée, notamment sur le plan académique et scientifique. L’EPFL et d’autres institutions suisses pourraient intensifier leurs partenariats avec les universités et laboratoires tunisiens, favorisant ainsi un échange de savoir et d’innovation.

En retour, la Tunisie, avec son vivier d’ingénieurs et de chercheurs, pourrait devenir un hub de R&D et de services technologiques. En facilitant la mobilité des talents tunisiens vers la Suisse, cette dernière pourrait bénéficier d’une nouvelle dynamique en matière d’innovation, apportant agilité et créativité à son écosystème.

Nour aux côtés de l'Ambassadeur de Suisse en Tunisie Josef Renggli
Nour aux côtés de l'Ambassadeur de Suisse en Tunisie Josef Renggli © Ambassade de Suisse en Tunisie