Monsieur Gerber, l’Agenda 2030 est entré en vigueur en 2016. Tous les pays doivent s’engager pour que les objectifs puissent être atteints. Où en est-on actuellement?
Il se passe beaucoup de choses au niveau international. Plus de 65 pays dont la Suisse ont déjà rendu compte aux Nations Unies des mesures entreprises pour appliquer l’Agenda 2030. Dans de nombreux secteurs, des solutions concrètes sont développées et de nouveaux partenariats voient le jour. La dynamique politique reste aussi importante. Que ce soit au sein des entreprises privées, de la société civile ou des milieux scientifiques, l’accueil favorable des 17 objectifs de développement durable (ODD) est également perceptible, de même qu’une mobilisation croissante des acteurs non étatiques.
Peut-on déjà préciser où se situe la Suisse en comparaison internationale?
La Suisse fait toujours partie des pays les plus progressifs en matière de développement durable. Elle a conservé le rôle actif qu’elle avait déjà adopté au cours des négociations sur l’Agenda 2030, de 2013 à 2015, et elle s’est affirmée au niveau international parmi les pays précurseurs quant à sa mise en œuvre. Depuis l’adoption de l’Agenda 2030, la Confédération a pris le temps de dresser un état des lieux et de planifier soigneusement sa réalisation. Dans cette optique, le Conseil fédéral devra prendre d’importantes décisions au printemps 2018.
Est-ce qu’il est actuellement surtout question de la contribution de la Suisse et moins de la coopération au développement?
Le premier aspect n’est pas plus important que le second. Il s’agit en principe d’assurer la cohérence de l’ensemble des contributions de la Suisse pour réaliser les ODD, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale. L’Agenda 2030 n’est pas destiné en priorité à la coopération au développement. Il a une portée universelle et il doit ainsi être appliqué dans tous les pays en étroite collaboration avec les acteurs non étatiques. En ce qui concerne la coopération au développement, un concept d’intégration («mainstreaming») sera établi début 2018 afin de soutenir de manière encore plus ciblée les pays partenaires de la Suisse dans la réalisation des objectifs. Il est cependant exact que la contribution de la Suisse est évaluée au moyen d’indicateurs qui se fondent principalement sur des mesures nationales.
En Suisse, la Confédération a réalisé une consultation en ligne sur les ODD. Pourquoi a-t-on procédé ainsi alors que l’Agenda 2030 existe déjà?
La consultation en ligne visait à comparer les résultats de l’état des lieux dressé par la Confédération avec l’opinion de la population. Les participants ont eu l’occasion de commenter chacune des 169 cibles des ODD et de publier leurs propres contributions et suggestions. Cela nous a permis d’obtenir un tableau complet de la situation en Suisse en ce qui concerne l’Agenda 2030. À ma connaissance, aucun autre pays n’a créé une base aussi large et participative sur laquelle il puisse développer sa stratégie de mise en œuvre.
Quels sont donc les résultats de la consultation? Peut-on y déceler des tendances?
L’analyse détaillée est en cours, mais les tendances montrent déjà où se situent les principaux défis et opportunités pour la Suisse. Par exemple, les acteurs extérieurs à la Confédération sont également d’avis que la Suisse pourrait s’engager davantage en faveur de l’objectif sur la durabilité des modes de production et de consommation (ODD 12). Une première analyse superficielle confirme également que la grande majorité des objectifs sont très pertinents pour la politique intérieure et extérieure de la Suisse. Sur la base de cette consultation, la Confédération, en étroite collaboration avec le groupe d’accompagnement des acteurs externes, a identifié neuf thèmes présentant un intérêt particulier pour la Suisse et discuté d’éventuelles contributions partenariales avec les 250 participants à la dernière manifestation Dialogue 2030.
Groupe d’accompagnement des acteurs extérieurs à la Confédération
Dialogue 2030 pour le développement durable
Quelles seront les prochaines étapes? À l’été 2018, la Confédération publiera un rapport sur la mise en œuvre des objectifs.
En effet, la Suisse présentera au cours de l’été 2018 son premier rapport complet de mise en œuvre aux Nations Unies à New York. Ce rapport présente les résultats de l’état des lieux ainsi que les principaux axes de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 par la Suisse. Des exemples de partenariats et d’activités réalisés dans tous les secteurs de la société suisse seront également présentés. Ce rapport sera élaboré au niveau fédéral avec la coopération de nombreux offices et du groupe d’accompagnement. Le Conseil fédéral s’exprimera à ce sujet au printemps 2018.
Et quelle est la situation au niveau mondial?
Au cours des deux années qui se sont écoulées depuis l’adoption de l’Agenda 2030, la situation mondiale ne s’est pas encore vraiment améliorée, ce qui correspond aux prévisions. Des interventions sont nécessaires dans de nombreux domaines, que ce soit en matière de réduction des inégalités, de la pauvreté et de la faim, mais également au niveau de l’égalité des sexes ou de l’exploitation des ressources naturelles. En outre, les conflits politiques affectant certaines régions du monde entravent le développement durable. Des experts renommés ne cessent de rappeler l’urgence avec laquelle les mesures contre le réchauffement climatique doivent être prises. D’autre part, l’expérience montre qu’il faut toujours plusieurs années pour que des objectifs et des normes définis à l’échelle mondiale prennent effet. Compte tenu de la mobilisation croissante en faveur des ODD, on peut donc rester optimiste, avec prudence.
Est-il réaliste de croire que nous pouvons atteindre les objectifs de l’Agenda 2030?
Je dirais que c’est réaliste, mais la faisabilité théorique ne suffit pas. Sans volonté politique de transformation et sans mesures concrètes à tous les niveaux et dans l’ensemble des pays, il ne sera pas possible de les atteindre. Cependant, même si certains des objectifs ne sont pas réalisés d’ici à 2030, ils resteront une boussole importante pour continuer à travailler sur ce projet intergénérationnel et assurer aux êtres humains un avenir digne d’être vécu dans un environnement préservé.